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Droit de photographier des immeubles publics et privés
Ayant eu récemment la joie de discuter avec l'un de nos adhérents à ce sujet, je profite de la rentrée et des derniers beaux jours qui pourraient vous donner envie de photographier les beautés architecturales françaises les plus renommées :
1. Les immeubles des domaines publics
Juridictions suprêmes, le Conseil d’État et la Cour de cassation ont longtemps considéré que la prise de vue des bâtiments des domaines publics n'était pas soumis à un régime de demande d'autorisation : « L'autorité administrative ne saurait, en l'absence de disposition législative le prévoyant, soumettre à un régime d'autorisation préalable l'utilisation à des fins commerciales de prises de vues d'un immeuble appartenant au domaine public, un tel régime étant constitutif d'une restriction à la liberté d'entreprendre et à l'exercice du droit de propriété ».
Mais le législateur est intervenu en complétant le code du patrimoine
Désormais, selon l’article L. 621-34 du Code du patrimoine :
« Les domaines nationaux sont des ensembles immobiliers présentant un lien exceptionnel avec l'histoire de la Nation et dont l'Etat est, au moins pour partie, propriétaire. Ces biens ont vocation à être conservés et restaurés par l'Etat dans le respect de leur caractère historique, artistique, paysager et écologique ». L’alinéa3 de l’article L. 621-42 dispose qu’un « décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application du présent article ».
Et selon l'article L. 621-42 du code du patrimoine :
« L'utilisation à des fins commerciales de l'image des immeubles qui constituent les domaines nationaux, sur tout support, est soumise à l'autorisation préalable du gestionnaire de la partie concernée du domaine national. Cette autorisation peut prendre la forme d'un acte unilatéral ou d'un contrat, assorti ou non de conditions financières ».
L’article R. 621-98, après en avoir identifié, 6, puis 11, en liste désormais 16 que vous pouvez retrouver ici :
1° Domaine de Chambord (Loir-et-Cher)
2° Domaine du Louvre et des Tuileries (Paris)
3° Domaine de Pau (Pyrénées-Atlantiques)
4° Château d'Angers (Maine-et-Loire)
5° Palais de l'Elysée (Paris)
6° Palais du Rhin (Bas-Rhin)
7° Palais de la Cité (Paris Ier)
8° Domaine du Palais-Royal (Paris Ier)
9° Château de Vincennes (Val-de-Marne et Paris XIIe)
10° Château de Coucy (Aisne)
11° Château de Pierrefonds (Oise)
12° Domaine du château de Villers-Cotterêts (Aisne)
13° Domaine du château de Compiègne (Oise)
14° Domaine de Meudon (Hauts-de-Seine)
15° Domaine du château de Malmaison (Hauts-de-Seine)
16° Domaine de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine).
Selon le Conseil constitutionnel, cette autorisation ne peut être refusée que si l’exploitation commerciale envisagée porte atteinte à l’image de ce bien
2. Le domaine public
Le domaine public regroupe des biens appartenant à une personne publique (État, collectivité territoriale, établissement public) et affectés soit à l’usage direct du public, soit à un service public s’ils font l’objet d’un aménagement indispensable à cette fin (article L. 2111-1 du Code général de la propriété des personnes publiques).
C'est le cas des mairies, des musées publics, des salles communales, des structures et aménagements de la voie publique (fontaines, ponts, routes etc).
Pour le Conseil d’État, les personnes publiques ne disposent d’aucun « droit exclusif » sur l’image des biens leur appartenant, faisant ainsi obstacle à ce que cette image constitue, en elle-même, une dépendance du domaine public. D’autre part, il considère que ni la prise de vues d’un bien du domaine public, ni l’utilisation à des fins commerciales de ces images ne peuvent être regardées comme un usage privatif dudit domaine, seul usage à même de justifier une autorisation préalable et la perception d’une redevance.
De ce fait, la personne publique propriétaire du bâtiment ne pourra s'opposer à la prise de vue ou à la diffusion des images, y compris à titre commercial. Elle peut en revanche demander des dommages et intérêts si elle a subi un préjudice du fait du trouble anormal causé par cette utilisation utilisation lui a causé un trouble anormal.
En 2016 le législateur, par souci de valorisation économique, a toutefois posé une exception à cette règle stricte[3], en soumettant l’exploitation de l’image des domaines nationaux à l’autorisation du gestionnaire du domaine – qui, [4] – ainsi que, le cas échéant, au paiement d’une redevance.
3. les immeubles privés
Pour la Cour de Cassation, "le propriétaire d'une chose ne dispose pas d'un droit exclusif sur l'image de celle-ci". Le propriétaire ne peut donc s'opposer à la prise de vue ou à la diffusion des images de son bien sauf en cas de "trouble anormal", et en particulier en cas d'atteinte à sa vie privée.
Attention toutefois, la diffusion de ces images est soumise au droit d'auteur des artistes ayant posé l'empreinte de leur personnalité sur cet immeuble : architecte, peintre, sculpteur etc. Ceux ci sont titulaires de droits moraux et patrimoniaux sur leurs oeuvres. Et même à l'expiration des droits patrimoniaux (70 ans après la mort de l'auteur), les droit moraux subsistent.
NB : Le droit prévoit quelques exceptions et notamment : "l'exception de panorama", qui concerne une oeuvre lorsqu'elle n'est pas le sujet principal de la photographie/video et n'en constitue que l'accessoire et/ou se situe à l'arrière plan, qu'elle est diffusée par une personne physique et pour un usage non-commercial. Cette exception est parfois appelée "exception Instagram".
4. Les immeubles dont la prise de vue et la diffusion des images sont soumises à des règles contractuelles
Certains immeubles, en particulier les musées mais aussi des espaces du domaine public prévoient un Règlement de visite encadrant la pratique et la diffusion des photographies. Ces règlementations conditionnent l'accès aux lieux au respect des exigences exposées dans le Règlement, tout visiteur ayant ainsi de facto accepté les conditions de visite.
L'UPP conteste la légalité de la distinction posée par certains de ces Règlements entre photographe amateur (seul autorisé à photographier) et photographe professionnel, ou bien entre diffusion à titre commercial et non-commercial, pour des espaces appartenant au domaine public. Si ces Règlements n'ont pas pour fondement la sécurité et l'ordre public, ils limitent de manière disproportionnée la liberté d'expression et celle du commerce, ils limitent abusivement la liberté d'expression et la liberté du commerce.
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