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Crédit: Emmanuel Perret
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Copyright et droit d'auteur, irréconciliables ?

08 octobre 2024 Juridique
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Il est courant en France de voir, à côté de la mention du nom de l'auteur, le signe ©, symbole international du copyright. D'ailleurs, nombre d'entre vous revendiquent le copyright sur vos créations afin de protéger vos droits. Pourtant, le terme de droit d'auteur n'est pas la traduction du terme anglais copyright. Le copyright, notion de common law, n'a aucune existence légale en France. Voici donc, pour ceux qui s'interrogent, mais aussi pour ceux qui peuvent être amenés à contractualiser sous le régime du droit anglo saxon, un rapide comparatif des notions de droit d'auteur et de copyright.

 

 

1. Définitions

 

1.1. droit d'auteur, une protection "à la française"

 

Au sein du droit de la propriété littéraire et artistique, le droit d'auteur repose sur un texte fondateur : la loi du 11 mars 1957. Cette dernière codifie une tendance constante à la reconnaissance des droits des auteurs.
Les arrêts réglementaires de 1777 du Conseil du Roi reconnaissaient déjà à l'auteur sur ses créations un "privilège pour lui et ses hoirs à perpétuité", privilège opposable à l'éditeur et qualifié de "propriété de droit".
Sous l'impulsion des Lumières, de Condorcet en particulier, des lois révolutionnaires vinrent remplacer par des droits ces privilèges déchus.

 

Ainsi l’article 1er du décret de 1793 : « les auteurs d’écrits en tous genres, les compositeurs, les peintres et les dessinateurs qui font graver les tableaux et dessins, jouiront leur vie entière du droit exclusif de vendre, faire vendre, distribuer leurs ouvrages dans tout le territoire de la République et d’en céder la propriété en tout et en partie ».

 

Le droit d'auteur protège "du seul fait de sa création" (art. L111-1 CPI), c'est à dire, sans nécessité de formalité, une oeuvre de l'esprit matérialisée et originale.

 

Il confère à l'auteur

- un droit moral qui est personnel, perpétuel, imprescriptible et inaliénable. Il regroupe 4 prérogatives ; droit de divulgation, droit à la paternité, droit au respect de l'oeuvre et droit de retrait / de repentir.

- un droit patrimonial qui représente la faculté pour l'auteur d'exploiter son oeuvre en cédant contre rémunération les droits de reproduction, de représentation, de suite, d'inspiration...

 

Le droit d'auteur français protège la personne de l'auteur en lui attribuant des droits et en protégeant ses intérêts.
C'est un droit civil, un droit de la propriété intellectuelle, le droit de propriété étant consacré par la constitution française.

 

 

1.2. Le copyright, protéger un bien économique

 

Le copyright remonte historiquement à la loi de la Reine Anne de 1709 (Statute of Anne) qui est considéré comme la première loi sur la propriété littéraire édictée par le Parlement visant à protéger les auteurs et à lutter contre le monopole des éditeurs. Le statutory copyright prévoyait à l'époque une cession des droit de l'auteur à l'éditeur (ou autre) pour une période limitée de 14 ans, avec possibilité de renouvellement exclusivement sur initiative de l’auteur. 

 

Le copyright s'applique aujourd'hui dans les pays de common law : Royaume-Uni, Etats-Unis, Australie, Canada...

 

Copyright signifie droit de copier.

Il s'agit d'un droit de l'exploitant, protégeant non le créateur mais l'oeuvre elle-même contre les "copieurs" qui par des actes de passager clandestin (de parasitisme) exerceraient une concurrence déloyale vis-à-vis des "producteurs" des oeuvres, c'est à dire de ceux qui ont investi (de la créativité, du temps, mais surtout de l'argent...) pour la faire vivre.

 

Le copyright est soumis à une exigence de dépôt et de validation par un Bureau dédié (l'US Copyright Office = USCO aux Etats-Unis), qui juge de la protectabilité de l'oeuvre. 

 

Le symbole © du copyright, apposé uniquement sur des œuvres déposées, était auparavant obligatoire aux États-Unis. Aujourd'hui, il est devenu facultatif.
Il indique (c'est le sens de la mention « tous droits réservés »)
que l’œuvre ne peut être exploitée commercialement sans l’autorisation du titulaire du copyright.
En l'absence de ce signe à proximité des oeuvres, les contrefacteurs pourraient plaider leur ignorance de la protection de l’œuvre.

 

Le copyright protège les droits patrimoniaux sur une oeuvre dans un système législatif où les statutory damages (dommages et intérêts forfaitaires) et le paiement des frais d’avocats peuvent rapidement représenter des sommes colossales. Sans la protection du copyright, le titulaire des droits ne sera indemnisé qu'à hauteur du dommage réel subi, soit une somme bien inférieure.

 

Jusqu'à récemment, le copyright ne prévoyait pas de protection du droit moral. Un rapprochement entre les deux systèmes de droit (droit d'auteur / copyright) est cependant aujourd'hui en cours et le droit moral entre dans le copyright américain : 11 Etats le reconnaissent explicitement et le Visual Artists Rights Act du 27 octobre 1990 consacre le droit moral des artistes dans une loi fédérale.

 

 

2. Points communs

 

- Droit d'auteur et copyright protègent tous les deux des oeuvres de création intellectuelle  humaines, matérialisées et originales. Cela peut être du texte, de l'image fixe ou animée, de la musique, un parfum, une oeuvre en 3D, une chorégraphie...).

 

- les deux système permettent au titulaire de droit d'exploiter son oeuvre, d'en céder les droits d'exploitation contre rémunération et d'en interdire à d'autres l'exploitation, de tirer les bénéfices pécuniaires et réputationnels de son oeuvre.

 

- les deux systèmes assortissent ce droit de sanctions pour les contrevenants.

 

NB : En droit d'auteur, des limitations ou exceptions existent : usage privé, parodie, pastiche, courte citation, information d'actualité... I
Il en va de même en copyright, où le "fair use" fixe une limite à l'ayant-droit.

 

 

3. les différences

 

Pour simplifier la lecture, ces points de divergences sont répertoriés sous forme d'un tableau comparatif :

 

   

droit d'auteur

copyright

naissance des droits

du seul fait d'une création intellectuelle humaine matérialisée et originale

création intellectuelle humaine matérialisée et originale soumise à un enregistrement (et validation) d'un Bureau

titulaire des droits

personne physique  : auteur ou ses ayants-droit, sauf exception

Personne physique ou morale : parfois le créateur, ou bien l'employeur, le client, le producteur, l'acheteur...

durée des droits patrimoniaux

70 ans après la mort de l'auteur

 

dans le cas d'une oeuvre de collaboration : 70 ans après la mort du dernier auteur 

en work for hire (travail à la commande) : 95 ans après sa publication ou 120 ans après sa création si plus court.

 

sinon : 70 ans après la mort de l'auteur

   droit moral

personnel, perpétuel, imprescriptible et inaliénable (cf infra)

 

retiré dans le cas des oeuvres collectives (sous la direction d'une personne physique ou morale qui en supervise l'élaboration)

 

limité dans le cadre de l'auteur agent public

Droit de 1ère divulgation existe

 

droit moral organisé (ou pas) par chaque Etat fédéral US

 

durée : 50 ans après la mort de l'auteur

 

Protection détournée via concurrence déloyale, droit contractuel, violation des droits de la personnalité

 

Renonciation possible par contrat

 

Au delà des rapprochements ponctuels, la Convention de Berne (1886) a permis une relative harmonisation internationale du droit de la propriété littéraire et artistique. Elle érige en principe la "protection automatique" (sans formalité) par le "traitement national", selon lequel les oeuvres étrangères bénéficient dans chaque Etat cocontractant des mêmes protections que les œuvres originaires de l'Etat. Ces droits concernent la reproduction, la représentation, l'adaptation, le droit moral(paternité et respect de l'oeuvre). L'échéance des droits exclusifs d'autorisation est la fin de la 50ème année calendaire qui  suit la mort de l'auteur... sauf pour les oeuvres photographique pour lesquelles la durée de protection est de 25 ans.

 

 

4. Et pour vous...

 

Quant à la protection de vos photos dans les pays de common law :

Depuis la ratification de la convention de Berne (1989) par les Etats Unis, vos photographies protégées en France le sont également aux USA  sans formalité.  Le"Berne Implementation Act", entré en vigueur le 1er mars 1989, prévoit que, pour toutes les œuvres étrangères originaires d'un pays partie à la Convention de Berne, l'enregistrement n'est plus un préalable obligatoire à une action en contrefaçon.


Néanmoins, l'enregistrement (aux USA, coût : 20 dollars)

-  a une valeur probatoire de l'identité et de la date de création de l'oeuvre (délai pour enregistrer : 5 ans après la création de l'oeuvre)

- permet d'obtenir les très substantiels dommages et intérêts forfaitaires prévus par la loi et le paiement des frais d'avocats ; dans le cas contraire, seul les dommages réels subis seront indemnisés (délai : 3 mois)

- permet d'apposer la mention de réserve, composée obligatoirement des 3 éléments symbole ©, date de première publication, nom du titulaire. Cette mention constituera la mauvaise foi du contrefacteur qui ne pourra prétendre ignorer que l'oeuvre était protégée.

 

 

 

Stéphanie de Roquefeuil 

 

 

 

 

 



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