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Droit d'auteur et IA : les directives du Bureau du Copyright
Alors que les systèmes d'intelligence artificielle fournissent aux esprits humains de nouveaux supports d'expression de leur créativité, la question des droits d'auteurs sur les travaux hybrides humains/IA se pose de manière de plus en plus insistante. La déclaration de principe du Bureau du Copyright américain publiée le 15 mars dernier vient donner un éclairage sur la manière dont le droit américain envisage la protection par le droit d'auteur de ces contenus.
1. Contexte.
Si en droit français, le droit d'auteur nait à l'instant où une oeuvre de l'esprit prend corps, il n'en va pas de même en droit américain. Pour se voir reconnaître un copyright sur une création, il faut en faire la demande auprès du USCO, le Bureau du Copyright des Etats Unis. C'est à cette institution que revient la tâche de déterminer, après étude du dossier déposé par les demandeurs, si la protection au titre du copyright s'applique ou non.
Le Bureau du Copyright avait à grand bruit annulé en février le copyright d'une bande dessinée de l'artiste Kris Kashtanova, lorsque l'artiste avait révélé que ses images avaient été produites par Midjourney. Le texte et l'arrangement des éléments écrits et visuels de "Zarya of the Dawn" ont conservé la protection par le droit d'auteur américain. En revanche, les images, générées par IA, ne pouvaient faire l'objet d'un copyright car selon une définition légale historique, seul les auteurs d'oeuvres créatives humains peuvent enregistrer des oeuvres.
De nombreux autres cas sont en passe d'apparaitre devant les tribunaux. C'est pour limiter les contentieux que l'USCO a publié mercredi dernier 15 mars dans une déclaration de principe (statement of policy) dont les directives viennent rappeler les fondamentaux du copyright.
2. Les règles de l'USCO : principe de l'autorat humain
1. Une photographie peut être protégée par le Copyright Act, alors même qu'elle est créée par un appareil. L'USCO réitère sa décision de 1884. L'auteur est celui à qui l'oeuvre doit son origine, son initiateur, son créateur, celui qui réalise un travail de sciences ou de création, même s'il utilise un outil mécanique pour la créer.
2. Pour obtenir la protection du Copyright Act, l'oeuvre doit être créée par un auteur humain. Selon la jurisprudence de la Cour Suprême, le copyright est "le droit exclusif d'un homme sur la production de son propre travail créatif ou intellectuel." Le terme auteur exclut les non-humains, et donc au premier chef les technologies d'IA.
3. Pour que l'oeuvre obtienne la protection du Copyright Act, son auteur doit exercer un contrôle intellectuel et créatif sur son oeuvre.Le Bureau refuse donc d'enregistrer les travaux produits par une machine ou des processus mécaniques qui fonctionnent aléatoirement ou automatiquement et sans contribution créative ou intervention d'un auteur humain.
4. Quant aux oeuvres créées avec des systèmes d'IA, le Bureau distingue celles dans lesquelles le travail est réalisé par un auteur humain, l'IA étant un simple outil d'assistance de celles dans lesquelles les éléments fondant l'autorat (expression artistique, sélection, mise en forme...) ont été conçus par une machine. En d'autres termes : l'oeuvre est elle le résultat d'une conception mentale propre de l'auteur ?
- Générer des oeuvres d'IA par le biais de "prompts" (textes fournis à l'IA pour influencer les productions) uniquement ne représente pas un processus contrôlé par l'utilisateur, car il n'est pas possible de prévoir ce que produira l'IA. Cela revient, explique l'USCO, à donner des "instructions à un artiste mandaté" car les utilisateurs n'exercent pas de contrôle créatif final sur la manière dont le système interprète les "prompts" et génère les productions.
- les oeuvres contenant des productions d'IA mais dont l'autorat humain est suffisant peuvent donner lieu à une protection par copyright : sélection et/ou mise en forme "créatives" (originales), modifications substantielle permettant la protection par le copyright. Dans ces cas de figure, le copyright protègera uniquement la part humaine du travail et non les productions de l'IA. l'USCO confirme ainsi sa récente décision concernant la BD "Zarya of the Dawn".
- les oeuvres dans lesquels l'IA est utilisée comme simple outil d'assistance (outils d'éditions de Photoshop par exemple, ou effets de pédale guitare dans une oeuvre musicale), pourront être protégées par copyright, si l'auteur humain possédait un contrôle créatif sur l'expression du travail et rassemblait les éléments classiques de l'autorat.
3. Guide aux demandeurs de copyright
l'USCO demande aux auteurs sollicitant un copyright de préciser dans leur demande s'ils ont inclus dans leur oeuvre une production d'IA, et de détailler la contribution humaine dans la création du travail présenté.
Il donne des explications précises sur la manière de remplir le formulaire, ou de modifier une demande déjà adressée en cas de d'oeuvre créée avec des contenus générés par IA, et s'engage à accompagner les auteurs qui hésitent pour pouvoir prendre des décisions "au cas par cas" sur ces demandes de protections pour des oeuvres hybrides.
Toute demande de copyright qui aurait omis volontairement de mentionner l'utilisation d'une IA ou même le détail du rôle joué par l'IA dans la création d'une oeuvre pourrait se voir refuser l'enregistrement et donc la protection par le copyright. Ces oeuvres resteraient alors disponible à la copie sans que leur créateur puisse se retourner contre l'utilisateur pour contrefaçon.
L'USCO conclut sa déclaration en annonçant des concertations, des auditions des professionnels et des études afin de partager de nouvelles directives dans les prochains mois. Les sessions d'écoute inclueront un évènement dédié aux arts visuels le 2 mai prochain. Les parties prenantes des questions d'IA (artistes, développeurs d'IA, R&D, juristes...) prendront part à ce débat.
Il annonce également qu'une enquête sera ouverte sur l'épineux sujet de l'utilisation des oeuvres protégées par le droit d'auteur par l'IA pour son entrainement et sur le statut des productions en résultant.
A suivre, donc, en particulier sur la page ouverte dans ce but : https://www.copyright.gov/ai/
Stéphanie de Roquefeuil
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