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Réflexions sur les remous provoqués par une jurisprudence

11 avril 2025 Juridique
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Une décision du tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 21 janvier 2025 est venue rappeler s'il en était besoin, les fondamentaux du droit d'auteur. En l'espèce, le contentieux opposait l’Agence France Presse au diffuseur d'une de ses photographies qui exploitait l'image sans autorisation.

 

Le tribunal a jugé :

- que les choix esthétiques et de mise en scène opérés par le photographe, alors même que ce dernier n'avait pas l'opportunité de choisir le lieu qui n'avait rien d'original, traduisaient l'empreinte de sa personnalité sur sa photographie, conférant à celle-ci son caractère "original", et sa protection par le droit d'auteur.

- que la bonne foi du diffuseur, qui affirmait ignorer que l'image n'était pas libre de droit, est indifférente en matière de contrefaçon.

- que le retrait immédiat de l'image du site sur lequel elle était publié dès la prise de contact de l'AFP est ne change rien au fait que la contrefaçon ait existé.

- que l'AFP, en diffusant cette image sous son nom sur sa banque d'image, bénéficie d'une présomption de titularité des droits d'auteur.

- qu'une capture d'écran est un moyen de preuve, et que celui qui la conteste doit montrer en quoi elle est douteuse.

- le préjudice est à la fois patrimonial (manque à gagner sur la rémunération de la cession de droit non réalisée) et moral (banalisation de l'image)

 

Le tribunal a lourdement condamné le contrefacteur.

(Notons que l'AFP avait par ailleurs, par sécurité, présenté des demandes sur le fondement du paratisme et de l'atteinte au droit de propriété).

Cette décision, ainsi que les précédentes rendues par les tribunaux sur des affaires présentées par l'AFP dans des contextes très similaires, ont fait couler un peu d'encre numérique cela était notamment dû au fait que l'AFP utilise pour suivre l'exploitation de ses images, les services d'une société spécialisée appelée Picrights, qui comme d'autres (telle Pixtrakk, partenaire de l'UPP), "crawle le web" pour identifier les pages/sites sur lesquels figurent des images de ses clients, afin que ledit client puisse valider si ces exploitations ont été autorisées ou non.

 

Certains cabinets d'avocats, qui ont choisi de défendre le juteux business des diffuseurs plutôt que les droits des auteurs (ces derniers représentant une population moins lucrative pour eux), s'émeuvent à grand bruit de l'utilisation de ces intermédiaires, qualifiant cet outil de "copyright trolling" et "d'abus de droit". Selon eux, Picrights et leurs confrères "menacent les internautes utilisant des images issues de ces reportages photographiques. Les blogueurs, les associations et les entreprises qui utilisent des photographies sur leur site internet, se croyant effectivement en infraction, préfèrent la plupart du temps s’acquitter de la somme négociée convenue plutôt que de soumettre leur litige aux tribunaux."  A les entendre, les photographes et leurs représentants extorquent des sommes indues à d'honnêtes entrepreneurs. D'honnêtes entrepreneurs qui n'hésitent pas à se servir gratuitement chez les autres pour faire croître leur marge commerciale.

 

Cette décision récente est donc une excellente occasion de rappeler à ces diffuseurs et à leurs avocats que, contrairement à ce qu'ils laissent penser :

- les photos de presse sont régulièrement reconnues comme originales par les tribunaux, et qu'invoquer la contrefaçon lorsqu'elle sont exploitées sans autorisation et sans rémunération n'est pas un abus de droit mais bien une application des règles de droit protégeant en France les auteurs et les ayants droit.

- alors même qu'une photographie n'est pas reconnue originale par un tribunal, cela ne signifie pas qu'elle n'est pas protégée. Fruit d'un travail, d'un effort et d'un savoir-faire de son créateur ou de son ayant droit, elle ne peut être exploitée sans son accord. Le parasitisme économique est le fondement juridique qui permettra de sanctionner les entités qui profitent du travail et des investissement d'une autre sans la rémunérer.

 

Pour en savoir plus : https://www.linkedin.com/posts/charlotte-de-reynal_contrefaaexon-photographie-activity-7305937737717637121-Ke15?utm_source=share&utm_medium=member_desktop&rcm=ACoAAArh4cABrQ6tMHVwIetQw4aEDLdLm7LvyI8

 

SdR

 




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