News
Zoom sur les lauréats de la bourse UPP/PICTO
Lors de la délibération des gagnants du Prix UPP-PICTO en septembre 2021, nous vous avions annoncé qu'Aline Deschamps et Julien Pebrel étaient les deux lauréats de cette première édition organisée par L’Union des Photographes Professionnels.
Tous les deux reçoivent une dotation qui a pour objectif de les aider à réaliser leur sujet et à le présenter au sein d’une exposition commune qui aura lieu à la Maison des photographes, siège de l’UPP.
Nous vous invitons à mieux découvrir ces photographes, leur univers et leur projet.
Aline Deschamps
© crédit photo : Aline Deschamps
Aline Deschamps, née en 1991, est une photographe franco-thaïlandaise. Titulaire d’une maîtrise en relations internationales à l'Université Panthéon Sorbonne Paris 1, d’une licence de photographie de l’EFET (RNCP 2) et d’un post diplôme en arts numériques (EPSAA). Passionnée d’arts et de géopolitique, son travail aborde des questions sociales et identitaires telles que la migration, l’exil et l’héritage culturel. À travers son objectif, Aline cherche à traduire visuellement des témoignages sociaux, et à remettre en cause la représentation dominante de ces sujets. Ce qui l’intéresse est de déconstruire les codes, de rencontrer l’autre et de l’interroger aussi bien sur ses peurs que sur ses aspirations. Plus récemment, son projet à long terme, « I Am Not Your Animal », dépeint des travailleuses domestiques migrantes au Liban. Ses portraits intimes visent à créer un changement visuel par rapport à la façon dont ces femmes sont généralement représentées dans les médias grand public.
Sa série I Am Not Your Animal est un témoignage visuel du quotidien d’anciennes employées domestiques au Liban. Le titre de la série découle des discussions avec ce groupe de femmes sierra léonaises, qu'Aline Deschamps rencontre pour la première fois au printemps 2020. Toutes ont partagé leurs expériences d’exploitation et de déshumanisation. Une phrase se répétait sans cesse : « Ils ne me traitaient pas comme un être humain, ils me traitaient comme un animal. »
I Am Not Your Animal se présente comme une réponse visuelle à la façon dont ces femmes sont perçues. La série tente de traduire l’expérience intersectionnelle d’être une femme noire migrante au Liban, confrontée au racisme systémique dans un pays où le corps noir n’est souvent réduit qu’à une seule position : celle de la « bonne ». Esclavagisées dans le système de la kafala, ces femmes s’étaient soit échappées de la maison de leurs employeurs, soit avaient été abandonnées dans les rues de Beyrouth en 2020, en pleine pandémie et dans un contexte d’effondrement économique du pays. La majorité n’avait pu récupérer ni passeport, ni salaire, et n’avait donc aucun moyen de retourner à leur domicile. Coincées à Beyrouth, elles tentent de survivre ensemble et partagent leurs sentiments de peur, de honte, de chagrin, et la mince lueur d’espoir de pouvoir un jour retrouver leur famille.
Tout en veillant à ne pas effacer la souffrance de ces femmes, le travail de documentation d'un nouveau quotidien plus lent et apaisé, offre une nouvelle vision des travailleuses domestiques migrantes dans la région. À travers des moments de joie et de complicité, la série célèbre quelque chose qui leur a été si souvent refusée au Liban : la fierté d'être une femme noire.
© Aline Deschamps
La série vise aussi, dans un deuxième temps, à documenter la vie de ces femmes une fois rapatriées dans leur pays. Comment après des mois ou des années d’esclavage moderne arrivent-elles à se réintégrer dans la société, et au sein de leur famille? Ce deuxième futur volet forme un échange épistolaire visuel entre les travailleuses domestiques piégées au Liban et leur quotidien en Sierra Leone. À travers la juxtaposition de lettres manuscrites, la série vise aussi à rendre compte d’une violence plus latente et personnelle : celle d’être bloquée dans un pays étranger et de communiquer l’ineffable.
© Aline Deschamps
© Aline Deschamps
Les travaux d’Aline ont été relayés par plusieurs médias internationaux (BBC, P3, L’Oeil de la Photographie, O’Globo, Mille, Middle East Eye). Elle a aussi participé à plusieurs tables rondes sur la documentation de la traite humaine, du système kafala et de "l'artivisme" (OIM, Stanford University Arab Student Club, Thomson Reuters Foundation, G20 Civil Society). Ambassadrice Canon, Aline vit à Paris et collabore en freelance avec plusieurs médias dont Libération.
Julien Pebrel
©Tamar Kalandadze
Julien Pebrel est un photographe indépendant, membre de l’agence Myop, et nous partage sa vie entre Paris et Tbilissi en Géorgie. Après une formation scientifique, il s'est orienté vers la photographie en étudiant le photo-journalisme à l'EMI-CFD à Paris. Ces dernières années, Julien Pebrel a travaillé en majeure partie dans l'espace qu'on qualifie souvent de post-soviétique, en Moldavie, en Russie, en Bulgarie, en Roumanie dans le delta du Danube et dans le Caucase du Sud : Arménie, Géorgie, Abkhazie et Haut-Karabagh.
© Julien Pebrel
Depuis 2017, Julien Pebrel se concentre sur la Géorgie où il mène un projet documentaire photographique et cinématographique, touchant différentes problématiques de la Géorgie contemporaine (les réfugiés, le développement économique, le traitement des minorités ethniques et religieuses, la frontière avec les républiques sécessionnistes, etc) et à son expérience intime avec ce pays. Son travail a été soutenu par le CNAP, la SCAM, le journalismfund.eu et l’Université de Californie du Sud et a été publié, entre autre, dans le Magazine du Monde, ainsi que XXI, L’Obs, the Sunday Times Magazine, The Financial Times Magazine, the Guardian, Internazionale, The Washington Post, Géo, nationalgeographic.com.
© Julien Pebrel
Quelques mots sur sa série "Le Royaume de Dali" :
Une équipe de cinq bergers, perdus dans la steppe du sud-est géorgien : Jemal, Anzor, Levan et Simon et enfin Beso, dont le responsable est situé dans une ferme à quelques kilomètres de l’Azerbaïdjan, au pied du Mont Dali, nommé ainsi par une déessepatronne des animaux sauvages dans la mythologie géorgienne. L’été, la température est caniculaire, mais l’hiver l’herbe y est mieux qu’ailleurs et le climat plus doux. Les bergers vivent six mois au pied du Mont Dali et six mois dans les montagnes de Javakhétie pendant la période estivale. Et comme intermède entre les deux saisons, la transhumance qui s'étend sur deux semaines.
Julien Pebrel les a suivi en 2019 dans cette région et lors du départ de leur transhumance et aimerait avec la Bourse UPP-PICTO, poursuivre ce projet en allant les rencontrer dans les hauts plateaux de Javakhétie en été.
© Julien Pebrel
Aucun commentaire
Vous devez être connecté pour laisser un commentaire. Connectez-vous.