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Questions de droit liées à l'intelligence artificielle (2)
Cet article est la suite de "Questions de droit liées à l'intelligence artificielle (1)" que vous pourrez trouver ici : https://www.upp.photo/fr/news/questions-de-droit-liees-a-l-intelligence-artificielle-3146
2. Le régime juridique des productions d'IA
Les contenus générés par les IA sont-ils donc des contrefaçons ?
L'article L122-4 du code de la propriété intellectuelle reconnait à l'auteur le droit de céder contre rémunération le droit d'adaptation de son oeuvre. Une contrefaçon est donc constituée lorsqu'une production reproduit ou s'inspire très fortement dune photographie. Dans le cas qui nous intéresse, la question peut légitimement se poser si l'utilisateur de l'iA a sollicité la production d'un contenu "à la manière de" ou bien "ressemblant à (un contenu protégé par le droit d'auteur)". Mais à ce stade, comment est-il possible de prouver qu'une telle demande a été formulée ? Sinon, il ne reste à l'auteur que la possibilité de démontrer qu'une de ses oeuvres, précisément identifiée, est reconnaissable dans la production de l'IA car le code de la propriété intellectuelle ne reconnait pas de protection de droit d'auteur à un style, à un concept ou à une idée.
Les photographes pourraient également agir, comme cela leur arrive en d'autres occasions, sur le fondement du parasitisme économique, cette notion issue de la concurrence déloyale. Le parasitisme économique recouvre "les comportements par lesquels un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire." Il ouvre droit à des dommages et intérêts en cas de manque à gagner, ce qui pour les photographes professionnels vivant des cessions de droit d'utilisation de leurs images, peut être démontré.
Et jusqu'à quel point pourraient ils être protégés par le droit d'auteur ?
Aux Etats-Unis, les directives proposées par l'USCO, que nous détaillons ici, réaffirment la position jurisprudentielle historique, selon laquelle seul un être humain peut être considéré comme auteur. Une IA ne peut donc pas être titulaire de droits d'auteur, puisque le droit d’auteur américain protège uniquement "le fruit d’un travail intellectuel fondé sur le pouvoir créateur de l’esprit".
En Europe, la Cour de justice de l’Union européenne établit fermement (notamment affaire Infopaq : C-5/08 Infopaq International A/S c. Danske Dagbaldes Forening), que le droit d’auteur ne protège que des "œuvres originales" le terme étant entendu comme “une création intellectuelle propre à son auteur.” Une œuvre originale doit être "le reflet de la personnalité de son auteur", ce qui semble requérir une indispensable intervention humaine.
A ce jour, le copyright est refusé à des artistes sur des productions d'IA, au motif que ces productions ont été générées sans que l'utilisateur ait été à même de prévoir le type d'expression visuelle du "prompt" (consignes écrites) que la machine allait proposer. Il est probable que cette vision des choses soit partagée par les juges européens. Cependant, si l'hybridation des contenus tend à se généraliser, et que les artistes font appel à l'IA en gardant un rôle majeur dans la production des contenus qu'elle génère, il sera de plus en plus difficile de distinguer la frontière entre les contenus protégés ou non par le droit d'auteur. D'autant qu'en l'état actuel du droit, rien n'oblige un utilisateur à indiquer qu'il a eu recours à l'IA pour créer son oeuvre. Une Directive européenne sur les IA est en cours d'élaboration. Il est possible qu'elle prévoie une obligation de transparence, en particulier dans les relations avec les consommateurs.
Il est encore trop tôt pour répondre à ces questions. Malgré tout, gardons à l'esprit que la photographie n'était pas reconnue comme une oeuvre de mais comme un produit jusqu'en 2011, date à laquelle la CJUE a admis les "choix créatifs" des photographes.
Stéphanie de Roquefeuil
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